L’environnement est cognitif parce qu’il a pour rôle d’exploiter le sens associé aux savoirs pour améliorer la capacité de l’apprenant à construire ses propres représentations. La représentation que je propose pour trouver les éléments d’un environnement cognitif s’inspire du fonctionnement d’un écosystème dans un milieu naturel. L’ensemble des éléments vivants et de ses constituants non vivants y établissent entre eux des interactions multiples. Nous émettons l’hypothèse que, de la même façon, dans un milieu de formation professionnelle, l’environnement cognitif est composé d’un ensemble d’éléments dynamiques et d’éléments statiques qui créent entre eux des interactions multiples qui devront avoir pour effet de favoriser les apprentissages de l’apprenant dans le sens du développement de sa compétence professionnelle.

Comme le cycle de l’écosystème, fonctionne sur la base de la présence de la vie et de  ses conditions, la représentation proposée du fonctionnement de l’environnement cognitif prend en compte le processus de l’apprentissage, les conditions qui la favorisent et l’état de l’apprenant qui s’y trouve. Ce cycle se présente en quatre étapes.

La première étape est la stimulation de l’apprenant. Cette étape doit pouvoir permettre d’identifier les éléments qui stimuleront l’apprenant. L’effort lié à l’apprentissage se déclenche généralement par le besoin que peut avoir l’apprenant de s’approprier les savoirs, ou par le désir suscité par l’attrait que représente l’appropriation de ces savoirs. Il est clair que personne ne peut apprendre quelque chose qu’il ne désire pas apprendre. L’apprenant peut mémoriser l’information ou s’entraîner à réaliser des gestes, mais dans ces conditions il n’y a qu’un apprentissage élémentaire, ce qui est très loin du développement de la compétence, au mieux il y aura développement d’une capacité, au pire la manifestation de la seule dextérité.

Il est malheureux de constater que souvent, malgré les efforts constants des enseignants, plusieurs apprenants n’utilisent pas, dans les pratiques, les connaissances théoriques qu’ils auraient dû apprendre dans les séances de formation. Il est plus que probable que l’environnement, où l’apprenant est censé construire ses représentations des connaissances, ne sert qu’à les faire mémoriser.

L’étape de stimulation devrait alors « allumer » l’apprenant à l’égard des  apprentissages à réaliser, donc de susciter le besoin ou le désir d’apprendre. À la fin de cette étape, l’apprenant constate l’écart entre ce qu’il sait et ce qu’il devrait savoir c’est-à-dire son ignorance. La découverte de son ignorance est probablement le but à viser plutôt que l’acquisition de connaissance dont il ne sait que faire. La découverte de l’ignorance crée inévitablement le désir de combler cette ignorance chez l’apprenant qui en devient conscient.

La deuxième étape est celle de la mobilisation des énergies motrices et motivatrices pour pouvoir fournir les efforts nécessaires aux apprentissages à construire pour satisfaire le besoin d’apprendre provoqué par la prise de conscience de son ignorance. Les éléments de l’environnement devront favoriser, à cette étape, la quête de sens des savoirs à apprendre. L’effort, le besoin et le désir sont toujours interdépendants. Pas d’efforts sans besoin ou désir d’apprendre. C’est ici que se présente le facteur « Q.C.D. », c’est-à-dire, « Qu’est-ce que cela donne d’apprendre ça ? ».

À la fin de cette étape, l’apprenant devrait avoir construit les représentations des nouveaux savoirs qui lui sont nécessaires pour développer sa compétence professionnelle. Cette construction touche autant le savoir, le savoir-faire que le savoir-être. L’une des pistes possibles serait d’accéder aux savoirs par l’intermédiaire de situations professionnelles demandant à l’apprenant de découvrir le sens en analysant des circonstances ou des événements, en repérant des faits et en échangeant sur les effets lors de la réalisation de ses tâches professionnelles.

La troisième étape est celle de l’application des connaissances. C’est l’étape où l’apprenant insère ses connaissances (concepts) dans les actions qu’il doit réaliser. Ces actions peuvent être activités d’apprentissage ou des tâches professionnelles. Les tâches professionnelles existent dans le but de pouvoir répondre aux mandats de travail que l’on attribue au professionnel. Le vendeur vend s’il y a des clients, le mécanicien répare s’il y a des véhicules à réparer, le dessinateur dessine s’il y a des projets de fabrication ou de construction.

La tâche ne démarre pas la situation de travail, comme c’est trop souvent le cas dans les pratiques de formation professionnelle où on entraîne des élèves à réaliser des tâches. C’est la situation de travail, selon ses éventualités, qui amène la réalisation d’une des tâches professionnelles liée à l’activité professionnelle. Il y a généralement un produit à réaliser ou un événement à gérer, selon un contexte, pour pouvoir réaliser une tâche. Cette dernière, pour être réalisée, oblige l’apprenant à percevoir l’information, analyser la situation, à évaluer des éventualités et à prendre une décision qui se manifestera par la réalisation de pratiques de travail adaptées dans le but de s’adapter aux contraintes et de satisfaire les attentes.

L’application des savoirs ne consiste pas seulement à réaliser manuellement des activités pratiques, il s’agit aussi de développer une compétence professionnelle, c’est-à-dire celle de l’apprenant. À cet égard, nous avons établi qu’une compétence professionnelle se reconnaît à la capacité de l’apprenant à agir de manière consciente et autonome lors de la réalisation de ses tâches professionnelles dans une situation professionnelle, qu’elle soit virtuelle, artificielle ou naturelle. Non seulement il peut faire, mais il peut dire ce qu’il fait et se comporter selon les attitudes propres à son activité professionnelle.

La quatrième étape est celle du transfert. Cette étape demande à l’apprenant d’exploiter les ressources pour élever, de façon autonome, le niveau de sa compétence professionnelle pour résoudre des problèmes professionnels nouveaux et même fortuits. Il doit faire les liens entre ses connaissances et celles qui sont nécessaires pour gérer une situation de travail. À ce stade, il est prêt à faire face au monde du travail et à affronter les aléas de la réalité. Il ne sait pas tout faire, mais il sait comment faire pour être plus compétent. Il sait ce qu’il sait, il peut se rendre compte de ce qu’il ne sait pas et il sait quoi faire pour combler son ignorance parce qu’il a appris à apprendre.

En résumé, l’apprenant doit être stimulé pour apprendre. Il doit mobiliser ses efforts pour apprendre, il doit appliquer les connaissances apprises dans des tâches de travail insérées dans des situations de travail et il doit être en mesure de transférer ce qu’il a appris dans divers contextes pour être capable de faire face à des circonstances professionnelles courantes, nouvelles et imprévues.